Le Pouce du panda by Gould Stephen Jay

Le Pouce du panda by Gould Stephen Jay

Auteur:Gould, Stephen Jay [Gould, Stephen Jay]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai, Paléontologie, USA
Éditeur: Diogène - TAZ
Publié: 2012-04-20T22:00:00+00:00


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LES FAILLES D’UN MONUMENT VICTORIEN

Les victoriens nous ont laissé quelques romans magnifiques, quoique un peu longuets. Mais ils ont également offert à un monde apparemment consentant un genre littéraire probablement sans égal quant à son ennui et à son inexactitude : les « vie et correspondance » des hommes célèbres. Ces pensums qui s’étalent sur plusieurs volumes, généralement écrits par une veuve éplorée ou par une fille ou un fils déférent, prennent, sous leur allure de récits humblement objectifs, l’aspect d’un simple compte rendu des paroles et des activités de la personne en question. Si nous acceptions ces œuvres telles quelles, il nous faudrait croire que les grands hommes victoriens ont effectivement vécu dans le respect des valeurs éthiques qu’ils prônaient – affirmation saugrenue que Lytton Strachey a mise en pièces voilà plus de cinquante ans avec ses Victoriens éminents.

Elizabeth Cary Agassiz – Bostonienne distinguée, fondatrice et première présidente du Radcliffe College, et épouse dévouée du plus grand naturaliste d’Amérique – possédait tous les justificatifs pour devenir auteur (y compris un mari décédé et regretté). Son Louis Agassiz, sa vie et sa correspondance fit d’un homme fascinant, mauvais coucheur et d’une fidélité qui n’eut rien d’excessif, un parangon de retenue, de bonne conduite, de sagesse et de droiture.

J’écris cet essai dans le bâtiment que Louis Agassiz fit construire en 1859, l’aile originale du Muséum de zoologie comparée de Harvard. Agassiz, premier spécialiste mondial des poissons fossiles, protégé du grand Cuvier (voir le chapitre 13), quitta sa Suisse natale peu avant 1850 pour faire carrière aux États-Unis. Célèbre en Europe et homme plein de charme, Agassiz fut reçu à bras ouverts dans les cercles sociaux et intellectuels, de Boston à Charleston. Il dirigea en Amérique les recherches d’histoire naturelle jusqu’à sa mort en 1873.

Ses apparitions en public furent toujours des modèles de correction, mais je m’attendais à ce que ses lettres privées reflètent sa personnalité exubérante. Le livre d’Elizabeth, qui reproduit mot à mot les lettres de Louis, parvient à transformer ce foyer de controverse et cette source d’énergie inépuisable en un gentleman pondéré et digne.

Récemment, en étudiant les thèses de Louis Agassiz sur les races humaines et guidé par quelques indications fournies dans la biographie de E. Lurie, Louis Agassiz : a Life in Science (« Louis Agassiz, une vie au service de la science »), j’ai remarqué quelques divergences entre les lettres originales de Louis Agassiz et la version qu’en avait donnée Elizabeth. J’ai alors découvert que celle-ci avait purement et simplement expurgé le texte sans même signaler les passages sautés. Comme Harvard possédait l’original de ces lettres, je me transformai en limier et me lançai dans une véritable enquête qui ne manqua pas de révéler quelques aspects croustillants de la personnalité d’Agassiz.

Pendant la décennie qui a précédé la guerre de Sécession, Agassiz a exprimé ses fortes convictions sur le statut des Noirs et des Indiens. Fils adoptif du Nord, il réprouvait l’esclavage, mais, faisant partie de la fine fleur de la société humaine en tant que Caucasien, il n’associait certainement pas cette réprobation à la moindre notion d’égalité des races.



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